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Mar&eacute;chal, tout d&#39;abord, comment analysez-vous les lendemains de la r&eacute;volution qui a d&eacute;vast&eacute; une partie de votre pays&nbsp;? 

La r&eacute;volution de f&eacute;vrier 2011, tout le monde le sait, a commencé de mani&egrave;re extr&ecirc;mement logique. La population libyenne était en effet fatigu&eacute;e, &eacute;puis&eacute;e par les d&eacute;rives et les violences du r&eacute;gime en place. Au d&eacute;but, il s&rsquo;agissait d&rsquo;un soul&egrave;vement populaire, les libyens &eacute;tant, je le redis, &eacute;puis&eacute;s par le r&eacute;gime de Kadhafi qui avait commis le pire. Mais le mouvement fut malheureusement &laquo; kidnappé &raquo; par la mouvance islamiste et les milices arm&eacute;es qui ont instauré la violence. J&rsquo;insiste là sur le fait qu&rsquo;il s&rsquo;agissait de violences et d&rsquo;exactions qui &eacute;taient programm&eacute;es ... Celles-ci ont fait des milliers de victimes au sein de la société, parmi lesquelles des avocats, des journalistes, des juges, mais aussi des policiers et des militaires. En agissant ainsi, l&rsquo;objectif de ces milices était de d&eacute;stabiliser le pays et de mettre la main sur ses ressources naturelles et ses richesses. Il &eacute;tait donc indispensable de lancer une contre r&eacute;volution pour que la Libye et ses citoyens retrouvent enfin leur dignit&eacute;́, qu&rsquo;ils puissent aussi esp&eacute;rer construire une d&eacute;mocratie.

Avec le recul, qu&rsquo;auriez dû vous faire que vous n&rsquo;avez pas fait à l&rsquo;&eacute;poque ? 

Il y a eu des erreurs que nous n&rsquo;aurions pas dû commettre. J&rsquo;ai en effet acquis la conviction que nous aurions dû organiser un coup d&rsquo;Etat contre ces terroristes et leurs alli&eacute;s islamistes, et cela dès le d&eacute;but de la r&eacute;volution de 2011. Je l&rsquo;ai déjà dit, notre aspiration première était de pouvoir mettre en place un régime démocratique. Nous pensions qu&rsquo;une démocratie permettrait à la Libye de mettre en place les outils nécessaires à son développement économique et d&rsquo;&oelig;uvrer pour l&rsquo;&eacute;tablissement d&rsquo;une justice solide qui soit enfin digne de ce nom. Nous savions que ces conditions &eacute;taient indispensables &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;un r&eacute;gime stable et d&rsquo;un pays fort. Pourtant, il faut bien reconnaitre que nous n&rsquo;y sommes pas parvenus, et que nous n&rsquo;avons pas r&eacute;alis&eacute;́ qu&rsquo;un certain nombre de choses se passaient. La r&eacute;volution a totalement dévié de ses objectifs pour les raisons que j&rsquo;ai expliqu&eacute;es pr&eacute;c&eacute;demment. C&rsquo;est la raison pour laquelle nous avons d&eacute;clench&eacute;́ l&rsquo;opération Karama avec l&rsquo;armée nationale libyenne au mois de mai 2014, car il fallait reprendre la situation en main.

Pourquoi l&rsquo;&eacute;mirat du Qatar s&rsquo;est-il positionné contre vous ? 

En toute honn&ecirc;tet&eacute;́, je ne sais pas pourquoi le Qatar est contre nous, m&ecirc;me si les Qataris, eux, doivent le savoir (Il sourit) ! ... Si j&rsquo;ai cependant bien compris une chose, c&rsquo;est qu&rsquo;ils veulent leur part du g&acirc;teau ! Ils veulent mettre la main sur la Libye pour s&rsquo;emparer de ses richesses, ce qui n&rsquo;est &eacute;videmment pas acceptable, d&rsquo;autant qu&rsquo;ils soutiennent des organisations terroristes, à commencer par celle des Fr&egrave;res Musulmans qui ont fait venir beaucoup de combattants dans notre pays. Leur strat&eacute;gie consiste, à l&rsquo;instar du Qatar qui les soutient, à s&rsquo;accaparer nos richesses, pour ensuite porter leur lutte vers l&rsquo;Egypte, les pays du Maghreb, la Mauritanie, puis enfin les pays du Golfe. Comme Daesh et son chef Baghdadi, ils veulent &eacute;tablir un empire avec leur califat qui s&rsquo;&eacute;tendrait sur toute la r&eacute;gion du Moyen-Orient, m&ecirc;me si leur projet &nbsp;n&rsquo;a en fait pas grand chose &agrave; voir avec l&rsquo;Islam. En r&eacute;alit&eacute;́, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de Daesh ou des Fr&egrave;res Musulmans, il faut bien comprendre que ces mouvements sont li&eacute;s, les Fr&egrave;res Musulmans &eacute;tant les p&egrave;res spirituels du terrorisme. Tout le monde sait d&rsquo;ailleurs aujourd&rsquo;hui que c&rsquo;est leur organisation qui a attiré les d&eacute;mons jihadistes vers l&rsquo;Irak, la Syrie et bien s&ucirc;r la Libye. Je tiens cependant à pr&eacute;ciser que s&rsquo;il y a bien une chose que les libyens d&eacute;testent, ce sont les Frères Musulmans&nbsp;! Beaucoup d&rsquo;entre eux, des libyens, sont en fait rentrés de Londres ou de Washington où ils &eacute;taient &eacute;tablis. Ce sont de mon point de vue les plus dangereux, que l&rsquo;on peut m&ecirc;me qualifier d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments durs de l&rsquo;organisation. N&eacute;anmoins, ils font face à une r&eacute;alit&eacute;́ extr&ecirc;mement difficile sur le terrain, car nous leur causons beaucoup de pertes !

Justement, quelle est l&rsquo;influence r&eacute;elle de ces groupes arm&eacute;s dans le Sud Libyen, et quels sont leurs liens pr&eacute;cis avec le Jihadisme ? 

Milices arm&eacute;es ou organisations terroristes, cela ne fait aucune diff&eacute;rence à mes yeux ! Dans les deux cas, elles tuent et pillent les richesses du pays ! Mais soyons clairs. Si elles ont essaimé dans le sud de la Libye, c&rsquo;est notamment en raison de l&rsquo;absence r&eacute;elle de gouvernement, de la pr&eacute;sence d&rsquo;un crime organisé, des migrants clandestins et de l&rsquo;opposition tchadienne. Le soutien de la Turquie et du Qatar à l&rsquo;Islam politique des Fr&egrave;res Musulmans est l&rsquo;une des causes de la situation, totalement insupportable pour les populations (...). Sur le terrain, nous avons d&eacute;j&agrave;̀ sorti ces milices de Benghazi et de Derna où elles commettaient des massacres. A Benghazi, elles &eacute;taient dot&eacute;es de 17 000 combattants et à Derna, elles &eacute;taient pr&egrave;s de 9 000. Au sud du croissant p&eacute;trolier leurs forces &eacute;taient compos&eacute;es pour une moitié de mercenaires, pour une autre de sympathisants de l&rsquo;Etat Islamique. En tout, elles repr&eacute;sentaient pr&egrave;s de 60 000 hommes. Aujourd&rsquo;hui, ils ne sont plus que 6 000, qui se sont concentr&eacute;s dans Tripoli (...). Pour les affronter dans le d&eacute;sert, nous pouvons compter sur des combattants b&eacute;douins tr&egrave;s courageux, aux convictions ancestrales, qui refusent la pr&eacute;sence de ces milices sur le territoire. Comme eux, nous sommes d&eacute;termin&eacute;s à d&eacute;truire leurs capacit&eacute;s de nuisance, et nous irons jusqu&rsquo;au bout&nbsp;! (...). Beaucoup de ces terroristes ont en fait d&eacute;j&agrave;̀ pris la fuite par la Tripolitaine, en direction de l&rsquo;Afrique ou de l&rsquo;Europe. Ils cherchent avant tout à s&rsquo;&eacute;chapper pour survivre, car ils ont compris qu&rsquo;en Libye, il n&rsquo;y avait plus aucune place pour eux.

Vous avez rencontré le Pr&eacute;sident de la R&eacute;publique Fran&ccedil;aise Emmanuel Macron le 22 mai. Quelles sont vos relations avec lui, et pouvez-vous nous dire, parmi les Etats qui vous soutiennent, lesquels sont vos meilleurs alli&eacute;s ? 

Je vais vous parler avec beaucoup de franchise. Je consid&egrave;re que tous ceux qui combattent le terrorisme sont nos partenaires&nbsp;! Je regarde donc le pr&eacute;sident Emmanuel Macron comme un v&eacute;ritable allié, et un vrai partenaire&nbsp;! Sur le plan personnel, je dirais que c&rsquo;est un ami proche auquel je fais enti&egrave;rement confiance. La France nous a &eacute;norm&eacute;ment aid&eacute;s,&nbsp;ce qui &eacute;tait &eacute;videmment très important. D&rsquo;autres pays comme les Emirats Arabes-Unis nous ont soutenus sur les plans politique et logistique en nous fournissant par exemple les pi&egrave;ces d&eacute;tach&eacute;es dont nous avions besoin. Concernant les Etats-Unis, c&rsquo;est la lutte anti-terroriste qui nous a rassembl&eacute;s. Ils nous ont aid&eacute;s un peu plus tardivement, mais en nous fournissant un soutien essentiel. Par essentiel, je n&rsquo;entends pas des armes, mais je veux dire qu&rsquo;ils nous ont fourni du renseignement et des syst&egrave;mes de g&eacute;olocalisation auxquels nos hommes ont &eacute;t&eacute; form&eacute;s, et qui ont permis de stopper plus d&rsquo;une fois nos ennemis.

Quelles sont aujourd&rsquo;hui les opportunit&eacute;s d&rsquo;investissement en Libye ? Quels sont les pays partenaires qui &oelig;uvreront à sa reconstruction ? 

Je veux profiter de cet entretien pour confirmer l&rsquo;ouverture de l&rsquo;ANL à l&rsquo;Europe. Nous sommes particuli&egrave;rement ouverts aux soci&eacute;t&eacute;s fran&ccedil;aises qui sont r&eacute;put&eacute;es pour leur savoir-faire dans les domaines de la construction, de l&rsquo;&eacute;nergie, du p&eacute;trole et du gaz. Si nous avons d&eacute;j&agrave;̀ &eacute;tabli quelques contacts avec certaines d&rsquo;entre elles, il est encore trop t&ocirc;t pour avancer concr&egrave;tement en mati&egrave;re de partenariat, compte tenu de la guerre qui fait rage. Par contre, je peux vous dire que d&egrave;s que celle-ci aura pris fin, nous donnerons la priorit&eacute;́ de nos chantiers aux pays qui nous ont soutenus.

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*Cet entretien a &eacute;t&eacute; pr&eacute;par&eacute; et conduit en partenariat avec le magazine Politique Internationale qui en publiera l&rsquo;int&eacute;gralit&eacute; dans son prochain num&eacute;ro.

23/05/2019 -&nbsp; Toute reproduction interdite

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Libye - Entretien avec le Maréchal Haftar : «Ceux qui combattent le terrorisme sont nos partenaires !»

Libye: Portrait de la jeunesse de Benghazi

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Libye, après le chaos, la reprise?

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Benghazi, les démineurs de l'impossible

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En Libye, on reproche &agrave; l&rsquo;Etat fran&ccedil;ais de soutenir secr&egrave;tement le mar&eacute;chal Haftar. Un double-jeu qui h&eacute;risse. En effet, durant les presque huit ann&eacute;es du chaos libyen (dont nous sommes en grande partie les principaux responsables pour avoir, sous la pression de certains philosophes, chercheurs et journalistes, confondu les notions de morale priv&eacute;e et de morale publique, si ch&egrave;res &agrave; Richelieu), nos gouvernants successifs, comme la communaut&eacute; internationale d&rsquo;ailleurs, ont fait le mauvais choix de soutenir mordicus une &laquo;&nbsp;solution d&eacute;mocratique&nbsp;&raquo;. Option totalement inapplicable et aberrante pour qui conna&icirc;t r&eacute;ellement le poids des tribus de ce pays sans v&eacute;ritable tradition &eacute;tatique. Ce fut donc le &laquo;&nbsp;gentil d&eacute;mocrate&nbsp;&raquo; de Tripoli, Fayez el-Sarraj, qui eut les faveurs occidentales. Or, ce dernier ne repr&eacute;sente en d&eacute;finitive que lui-m&ecirc;me. Mais il est soutenu par les milices jihadistes les plus virulentes et surtout par les Fr&egrave;res musulmans libyens qui sont, on le sait, les poulains&nbsp;de la Turquie d'Erdogan et bien s&ucirc;r&nbsp;&nbsp;de nos chers amis - investisseurs - qataris... Devant les r&eacute;alit&eacute;s du terrain, mais surtout face &agrave; la pression migratoire et au danger du terrorisme, nos autorit&eacute;s se sont toutefois r&eacute;solues &agrave; lorgner du c&ocirc;t&eacute; du &laquo;&nbsp;m&eacute;chant dictateur&nbsp;&raquo; en puissance, le mar&eacute;chal Haftar, qui commen&ccedil;ait par ailleurs &agrave; engranger les succ&egrave;s tant militaires (contre les islamistes) que diplomatiques (avec les tribus) ...
Certes, la diplomatie est l&rsquo;art de maintenir le contact et de dialoguer avec tout le monde, m&ecirc;me avec nos pires ennemis, (et pas en coupant les ponts comme nous l&rsquo;avons fait lamentablement en Syrie avec Assad), mais c&rsquo;est aussi d&eacute;cider, trancher, faire des choix, et les assumer&nbsp;!
Vladimir Poutine puis Donald Trump, eux, ont choisi&nbsp;: ce sera le &laquo;&nbsp;futur dictateur&nbsp;&raquo; soutenu par l&rsquo;axe &eacute;gypto-&eacute;mirati, certes symboles des contre-r&eacute;volutions arabes, mais surtout &agrave; la pointe de la lutte contre l&rsquo;islam politique&nbsp;!
Du c&ocirc;t&eacute; de Paris, on l&rsquo;a vu ces derniers jours, devant les r&eacute;v&eacute;lations sur notre soutien tr&egrave;s discret &agrave; l&rsquo;homme de Tobrouk, c&rsquo;est l&rsquo;h&eacute;sitation, la tergiversation voire la g&ecirc;ne qui sont de rigueur. Nous semblons ne plus savoir qui soutenir... Path&eacute;tique&nbsp;! Le pr&eacute;sident Macron a m&ecirc;me re&ccedil;u tr&egrave;s r&eacute;cemment Sarraj &agrave; l&rsquo;Elys&eacute;e en catastrophe. Peut-&ecirc;tre peut-on y deviner la main de certains lobbyistes de Doha&nbsp;tr&egrave;s pr&eacute;sents dans la capitale fran&ccedil;aise ?
Quoi qu&rsquo;il en soit, ce nouvel &eacute;pisode libyen nous discr&eacute;dite une fois de plus.
Sun Tzu a &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;On n&rsquo;entreprend jamais une action qui ne r&eacute;pond pas aux int&eacute;r&ecirc;ts du pays&nbsp;&raquo;.
Alors que politique interne et g&eacute;opolitique s&rsquo;imbriquent et se confondent d&eacute;sormais, il faut que nos dirigeants prennent rapidement conscience que l&rsquo;ang&eacute;lisme, le sentimentalisme id&eacute;ologique et les demi-mesures au sujet du terrorisme, de l&rsquo;islam politique ou des r&eacute;fugi&eacute;s sont suicidaires.
Notre seule s&eacute;curit&eacute; et un co-d&eacute;veloppement gagnant-gagnant, ambitieux, s&eacute;rieux et surtout efficace devraient alors repr&eacute;senter la colonne vert&eacute;brale d&rsquo;une diplomatie r&eacute;aliste, claire et coh&eacute;rente que nous devrions mettre en place le plus rapidement possible.
Malheureusement, pour entreprendre ce genre de r&eacute;volution copernicienne, il ne faut pas de simples gestionnaires &agrave; la petite semaine, mais plut&ocirc;t de vrais hommes d&rsquo;Etat. Le souci, c&rsquo;est que pour l&rsquo;instant, sur les bords de Seine, je n&rsquo;en vois pas...
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13/05/2019 - Toute reproduction interdite
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